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Autobiographie d'une pilote nonordinaire 05/07/2018

Livre Autobiographie d'une pilote non ordinaire - Extraits 


1 - Enfance et rébellion

Ma « petite maman petit ange adorée » s’occupe de nous du mieux qu’elle peut, mais ses trois filles Marguerite, Mirabelle et Framboise lui sont un lourd fardeau qu’elle ne nous cache pas. Est-ce la terrible perte de notre petite soeur Prune qui s’exprime par ses lamentations ? « Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour avoir des enfants pareilles ? » C’est la rengaine qui, dès que nous l’entendons mes sœurs et moi, nous fait éclater de rire, nous moquant de notre pauvre mère attristée et à bout de ressources. Le fait est qu’arrivée sur cette planète à fond la caisse, je ne m’éclate que dans ce qui va vite ou ce qui fait peur (à maman bien sûr, pas à moi). Comme de jouer au taureau (moi) chargeant le matador (Framboise) à travers tout l’appartement, pour finir le crâne éclaté dans les radiateurs ! Ou bien de grimper sur les rebords des fenêtres du huitième étage et regarder maman paniquée n’osant faire un geste de peur que l’immeuble s’écroule et moi avec. Ou bien encore de foncer tête baissée à bord de tout engin roulant, tricycle, vélo, kart ou moto, pour là aussi me fracasser en mille bobos tous plus sanglants les uns que les autres… Sans oublier que j’entraîne dans mon sillage la petite Framboise qui régulièrement se met à chougner en hurlant comme « une Matra qui démarre » ! Heureusement Marguerite, l’aînée compense, avec ses jupes plissées, ses lunettes studieuses et son air rangé. En apparence du moins… Et tandis que les jours s’écoulent avec leçons de piano et pâtisseries du dimanche personne ne se doute des tours fantasques et tragiques que la vie va nous jouer.

« Mais qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour avoir des enfants pareilles ? » 

Elle est pourtant croyante notre maman, pourquoi ne trouve-t-elle pas de support auprès de sa religion ? Auprès de la petite Marie, dont elle nous parle si souvent ? Il semble que sa religion lui ait plutôt montré un chemin de douleur, où tout doit être souffrance… La vie ne devrait être que peines et sacrifices, comme un chemin de croix. « Oh là là ! C’est gai ! » me dis-je dans ma jeune tête…

Sans grande conviction mais sans hostilité non plus, je suis tout cela et même le catéchisme avec l’attention d’une petite fille sage comme une image, priant la maman de Jésus chaque soir en lui offrant des icônes, ne comprenant pas cependant comment elle a pu concevoir son fils sans faire l’acte. Quel est le secret caché par ce prodige ? Il semble même que cet acte mystérieux dont on n’ose pas parler, l’acte qui nous permet de venir au monde et d’avoir des enfants, cet acte-là serait carrément le « pêché capital » !

Là, dans ma très jeune tête, je bloque. Quelque chose ne tourne pas rond dans cette religion. Ma mère ayant eu quatre enfants aurait donc pêché au moins quatre fois ? Comment serions-nous nées s’il ne fallait pas faire l’acte ? Comment les humains seraient-ils en vie ?

Ces questions me préoccupent beaucoup du haut de mes huit ans. Je ne comprends pas cette logique illogique et il me faudra près de quarante années avant de saisir la signification de ces concepts. Le sens caché enfin révélé de ces symboles sera bien loin des idées de pêché entraînant faute, culpabilité, punition et toute une chaîne de conditionnements arbitraires dont on me remplit la cervelle et la vie.

Aussi, vers le début de mon adolescence, lorsque mes propres désirs s’orientent vers les garçons, ma fidélité envers Marie jointe à l’adoration que je voue à ma petite maman se dégradent sérieusement pour tourner en haine féroce. Sans aucun recul pour comprendre que ma mère est simplement victime d’une éducation erronée, je l’accuse de tous les mensonges que je reçois, et le petit ange adoré devient un démon redouté.

C’est que je veux vivre mes rêves, moi ! Qui n’ont rien à voir avec la vie étriquée de ma famille calquée sur les modèles insipides subrepticement distillés par la société. Assurer un boulot jusqu’à la retraite (idéalement fonctionnaire), vacances d’été à l’océan, vacances d’hiver au ski, cotisations de sécu, livret d’épargne, congés payés, et ça roule ! Mais vers où ? C’est ça la vie ?

Des rêves d’absolu, l’union cosmique, le grand amour, je ne veux que ça. Les amourettes qui ponctuent ma vie ne m’intéressent pas. Je veux tout : la communion des âmes, la sublimation de l’amour dans le mélodrame, l’amour métaphysique et transcendantal. Carrément. Je divague en murmurant ces mots que je ne comprends pas, mais dont la seule résonance suffit à m’emporter au loin.

Assoiffée d’absolu. Assoiffée de vérité. Assoiffée de divin. Je suis. Mais je ne le sais pas encore. Je sais seulement que je ne supporte pas l’hypocrisie et que la vie que l’on me montre n’est que mensonge. Y compris la religion. Car je découvre peu après que sur la planète Terre, la même planète que Jésus et Marie, des humains se tuent au nom de leur religion, que même le terme « guerre de religions » est autorisé, admis, répertorié. Alors c’en est fini : je tire un trait définitif sur toute forme de religion puisqu’une telle incohérence venimeuse se cache en elle. Et comme je suis emplie de feu – que je ne sais ni reconnaître ni maîtriser – ce trait sera extrêmement violent.

*

Ça éclate.

Dans la famille : terminées les leçons de piano à la Croix-Rousse avec papa, finis les bons gâteaux du dessert dominical ; je balance ma rage en fuyant les repas familiaux au moindre prétexte, claquant les portes avec fracas pour me réfugier dans ma chambre et planer sur la musique des Pink Floyd en brûlant de l’encens enivrant.

Au lycée : être bonne élève n’empêche pas ma révolte de couver comme une bombe à retardement, surtout envers certains professeurs belliqueux que je provoque ouvertement avec mes vêtements de hippie, foulards de couleurs et autres attributs marginaux. Ce professeur d’allemand surtout, qui ressemble à Hitler avec sa petite moustache, sa raie dans les cheveux gominés et sa façon insupportable de secouer son trousseau de clés sur un rythme militaire en dirigeant notre entrée en classe, en rang comme des soldats ! « Marche Marche ! » vocifère-t-il sur la cadence infernale de sa limaille métallique. Je ne manque jamais de regarder ce frustré de la guerre dans les yeux lorsque je passe devant lui, y jetant haine et fureur qu’il me rend bien. Je ne compte plus les renvois et convocations chez le proviseur ! Peu m’importe ! Rien ne me fera plier devant cet énergumène aux allures de nazi.

Des années lycée, je garde un goût de jeans et de baskets, de parties de tarot dans les préaux lorsqu’on séchait les cours, de manifs contre l’autorité voleuse de liberté, de soirées de rock and roll endiablé et surtout, surtout, de solitude, de différence, de séparation de je ne sais quel être.

Que fais-je sur cette planète ? Quel est le sens de cette vie ? Les questions métaphysiques sont au centre de mes préoccupations. Lors de toute réunion, soirée, partie, aussi excitantes soient-elles, je finis toujours par m’échapper vers un endroit calme. Alors, je regarde mes pieds, en baskets, puis les étoiles, et mes pieds, et les étoiles… C’est quoi, cette histoire ? Qu’est-ce que je fais là, moi ?

Et chaque fois comme si je devenais grain de poussière, un immense vertige me fait tourbillonner dans l’espace, voguer d’étoile en étoile, entendant leurs rires cosmiques et cristallins qui me taquinent tandis que mes questions lancinantes restent en suspens.

Peintures et maquillages, masques et paillettes, faire le beau et montrer le vernis. Cacher ce qui est vrai et que personne ne voit. Notre société roule toute seule en emportant des milliers d’êtres humains vers un no man’s land désertique, sans cohérence ni vérité. Ce monde est faux et je n’en veux pas.

Aussi, lorsque je rencontre l’amour de ma vie, rebelle comme moi, nous vibrons à l’unisson. Refusant d’être comme les « normaux » du monde et de la société, nous embarquons dans un bateau ivre d’amour et de passion pour être simplement nous-mêmes. Mais comment faire ? Cela nous ne le savons pas. Alors tout sera extrêmement violent et passionnellement destructeur…

*

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Isabelle  Bacquenois
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