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La philosophie du Yoga 27/06/2014

Trois grands courants de pensée philosophique du Yoga se développèrent successivement en Inde et formèrent aux cours des âges, différentes écoles de réalisation spirituelle, plus ou moins concurrentes entre elles.


Leur étude est indispensable pour bien saisir toute la complexité et la diversité qui existent dans le domaine du Yoga. Sans une compréhension claire et précise de ces différents systèmes, aucune sâdhanâ (pratique spirituelle) ne pourra être menée à terme, faute d'une base théorique solide.


LE SAMKHYA


«L'ignorance de la Réalité, c'est prendre l'impermanent, l'impur, le malheur, ce qui n'est pas le Soi, pour le permanent, le pur, le bonheur, le Soi.» (Yoga-Sûtras)


ORIGINE : Le premier grand courant d'enseignement traditionnel du Yoga trouve son inspiration dans l'ancienne philosophie du Sâmkhya. Le Sage Kapila qui passe pour être le fondateur du Sâmkhya, s'inscrit Lui-même dans une lignée beaucoup plus lointaine de yogins, ayant des origines communes avec le Bouddhisme et le Jaïnisme. C'est peut-être une des premières tentatives d'explication rationnelle et méthodique de l'univers, malgré l'absence de textes antérieurs à la période des Upanishads récentes. L'importante Sâmkhya-kârikâ d'Ishvarakrishna fut composée au milieu du Ve siècle de notre ère et les Sâmkhya- pravacana-Sûtras ne datent que du XIVe siècle.


LA DOCTRINE : Cette philosophie dualiste et athée, oppose deux principes fondamentaux entre eux : Purusha (le Soi, la Conscience) et Prakriti (la Nature, l'Energie). Pour le Sâmkhya, la monade spirituelle (le Soi) qui existe en nombre infini dans l'univers, est comme emprisonnée par la matière. Elle (la monade spirituelle) est une « Pure Lumière Eternelle», pleine de félicité, dénuée de toute particularité, sans aucun attachement, totalement libre et indépendante. Pour le Sâmkhya le monde est réel (à la différence du Védanta), mais est en proie à la nescience (état d'ignorance spirituelle). Cette nescience est à l'origine de la souffrance, qu'elle soit physique, émotionnelle ou mentale et perpétue le cycle des réincarnations (samsara), condition pénible et transitoire de notre être. La prise de conscience de cette insatisfaction permanente (« tout est souffrance pour le Sage » : Yoga-Sûtras), conduira le jîva (l'expérimentateur individuel) à prendre du recul par rapport à l'ensemble de la création et à poursuivre une ascèse individuelle. Tout le travail du yogin consistera alors, pour ce courant philosophique, à dégager le Soi de l'emprise du non-Soi et à réaliser un état d'isolement total appelé samâdhi (recueillement) ou moksha (Libération). Cette Libération finale mettra fin au processus du karma (action dans le monde) et ouvrira les portes du Nirvâna (dissolution définitive de l'être individuel).


L'ENSEIGNEMENT : Patanjali (200 ? avant J.C.) codifia cet enseignement, dans son célèbre ouvrage les Yoga-Sûtras et « l'immortalisa » par là même. Tout en conservant les deux grands principes de base du Sâmkhya (Purusha et Prakriti), Patanjali y introduira la dimension nouvelle d'Ishvara (le Seigneur), désigné par le mantra AUM, et la possibilité pour le yogin de se réaliser en s'abandonnant à la volonté Divine. Cette dimension nouvelle, encore à l'ébauche dans les Yoga-Sûtras, trouvera ultérieurement son plein épanouissement dans le Bhakti-yoga (Yoga de la dévotion). Pour le Sâmkhya-Yoga (ou Râja-Yoga) cinq « empêchements » font obstacles à la Libération finale de l'homme : l'ignorance (avidyâ), le sens de l'ego (asmitâ), l'attirance (râga), la répulsion (dvesa) et l'attachement à la vie (abhiniveca). Quand ces cinq « empêchements » auront été vaincus, par la pratique de la concentration et la méditation, il s'ensuivra automatiquement pour le yogin, la disparition définitive de l'attrait du monde et l'entrée dans le Nirbîja Samâdhi (Samâdhi sans graines).


LE VEDANTA


«Rien ne peut trancher les liens de l'assujettissement, si ce n'est la merveilleuse épée de la Connaissance, forgée par la discrimination, lorsque le fil a été aiguisé par la Grâce Divine.»(Shankarâchârya)


ORIGINE : Le deuxième grand courant d'enseignement traditionnel du Yoga, apparaîtra plusieurs siècles plus tard, suite à un vaste mouvement du renouveau Brahmanique en lutte contre le Bouddhisme. Le Védanta qui en est sa base philosophique, remodèlera par là même, toute la pensée religieuse et spirituelle de l'Inde. Son influence fut donc très grande, puisqu'il est considéré pour la plupart des hindous, comme le plus pur et le plus orthodoxe de toutes les écoles de Yoga.


LA DOCTRINE : Comme pour l'ancienne philosophie du Sâmkhya, seule la Connaissance Pure (Jnâna) est en mesure d'apporter la Libération finale et de mettre fin au cycle des réincarnations, mais à la différence près, que pour le Védanta, la dissolution définitive de l'être individuel ne se fera plus dans le Kaïvalya (état d'isolement spirituel), mais dans le Brahman (l'Absolu) Un et impersonnel. Le caractère illusoire et éphémère de la manifestation, sera aussi perçu avec une plus grande acuité et la Nature (Prakriti) deviendra avant tout la grande enchanteresse (Maya), celle qui emprisonne tous les hommes dans les filets de l'illusion et de l'ignorance. En ce sens, nous pouvons dire que le Védanta est une philosophie de la négation (neti, neti : pas ceci, pas ceci) où tout est irréel, si ce n'est le Brahman.


L'ENSEIGNEMENT : Les Upanishads védiques (Vie-IIIe siècle av. J.C.) constituent traditionnellement le Védanta (ou fin des Védas). C'est l'un des six darshanas (point de vue orthodoxe) de la pensée indienne. Tout son enseignement se trouve résumé dans les deux grandes formulations des Upanishads : Atman (le Soi) = Brahman (l'Absolu) et Tat Tvam asi (tu es Cela).


LE TANTRA


« Celui qui sait que l'univers est identique au Soi et qui considère le monde entier comme étant le jeu du Divin, celui-là étant toujours uni à la Conscience universelle est sans aucun doute, libéré dans cette vie même. » (Spandakârikâ, Nisyanda)


ORIGINE : Selon la légende Shivaïste, l'origine du Tantra remonte au début du Satya-yuga (Age d'or de l'humanité), lorsque le Seigneur Suprême (Parashiva) révéla Son Unité aux hommes. Aux cours des trois premiers âges (yugas), toute transmission ne se faisant qu'oralement, il n'y avait ni écriture, ni livre. Il fallut attendre l'entrée dans le quatrième âge (Kali-yuga) et l'appauvrissement général de la vie spirituelle, pour voir apparaître les premiers écrits et les dogmes. Aux environs de la moitié du 1er millénaire de notre ère, on assiste en Inde à la résurgence d'un nouveau courant de pensée philosophique : le Tantrisme. Son influence s'étendra progressivement à toutes les sphères de la vie sociale et religieuse et imprégnera profondément l'Hindouisme. Le culte populaire de la Déesse Mère (Parashakti) qui est une pratique totalement étrangère à la culture aryo-védique, ainsi que l'approche dévotionnelle et mystique du Yoga (Bhakti-Yoga et Tantra-Yoga), contrebalanceront les approches intellectuelles du Sâmkhya et du Védanta.


LA DOCTRINE : Dérivé de la racine sanskrite « tan » qui veut dire « étendre », les Tantras sont considérés habituellement, comme un développement des enseignements traditionnels révélés ultérieurement. Les Tantras sont de trois sortes. Il y a d'abord dix Tantras dualistes, appelés Shiva Tantras, puis dix-huit Tantras dualistes-non-dualistes, appelés Rudra Tantras et soixante-quatre Tantras non-dualistes, appelés Bhairava Tantras. Ce sont ces derniers qui sont liés au Shivaïsme du Cachemire, et dont nous étudierons la métaphysique plus en détail, dans un prochain article.


L'ENSEIGNEMENT : Le Tantra est moins à proprement parler, un mode de penser qu'un mode d'être. Il s'adresse moins prioritairement à l'intellect et à la raison, mais privilégie davantage le cœur et la perception directe. A la différence du Sâmkhya et du Védanta, le Tantra n'oppose pas les deux grands Principes de l'Etre (Purusha et Prakriti), mais les unit en un Principe Supérieur appelé Purushottama (le Moi Suprême : Lui), ou Parasâmvit (la Conscience Suprême), ou Parashiva (le Seigneur Suprême). Du fait de sa vision unifiée, le Tantra offrira à l'aspirant spirituel une liberté plus grande et une réalisation parfaite. Il ne s'agira plus ici de dissolution définitive de l'être individuel dans le Brahman Un et Impersonnel, mais d'une véritable transfiguration et de l'acquisition pour le yogin parfait (Siddha) d'un corps céleste, appelé aussi « corps de gloire » (comme dans le Christianisme et dans l'Islam).


LA SYNTHESE DES ENSEIGNEMENTS


« Ne discutez pas les doctrines et les religions, elles sont une. Toutes les rivières vont à l'océan. La grande eau se fraie mille chemins le long des pentes. Selon les races, les âges et les âmes, elle court en des lits différents, mais c'est toujours la même eau.» (Ramakrishna)


L'HINDOUISME MODERNE : Bien qu'une certaine rivalité ait pu exister entre ces différents courants de pensée philosophique, de très nombreux échanges et synthèses eurent lieu, au cours des âges, entre le Sâmkhya, le Védanta et le Tantra. L'Hindouisme moderne, tel que nous le connaissons aujourd'hui, est une vaste synthèse religieuse, où nous retrouvons toutes les influences passées qui ont jalonné l'histoire de l'Inde (voir article 1) : Animisme, Shivaïsme, Shaktisme, Jaïnisme, Védisme, Bouddhisme, Brahmanisme, Vishnouisme, mais aussi dans une proportion beaucoup plus faible, Musulmane et Chrétienne.


LA BHAGAVAD-GITA : L'exemple le plus illustre de ces différentes synthèses se trouve assurément dans la Bhagavad-Gîtâ (le chant du Bienheureux Seigneur). Cet ouvrage qui fait partie de la grande épopée du Mahâbhâratha, peut être considéré à juste titre comme le fleuron de tout l'enseignement du Yoga. Partant de l'analyse philosophique du Sâmkhya, Shrî Krishna (l'Instructeur Divin) en élargit considérablement le sens, en employant d'abord le vocabulaire spécifique du Védanta et en exposant l'orientation métaphysique des Tantras (Purushottama : le Moi Suprême). Ce Chant qui a été une source inépuisable d'inspiration et d'élévation de l'âme pour des générations et des générations de yogins, représente aujourd'hui encore en Inde, une référence incontournable pour la plupart des hindous. Dans cette vaste synthèse, les principaux Yogas fusionnent en un Yoga Suprême qui représente l'idéal Divin complet.


« Séparer le Sâmkhya et le Yoga, c'est parler en enfant, non en homme sage ; si un homme s'applique intégralement à l'un deux, il obtient le fruit des deux. La condition qui est atteinte par le Sâmkhya, les hommes du Yoga aussi y parviennent ; celui qui voit Sâmkhya et Yoga comme une seule chose, celui-là voit. Mais la renonciation, ô guerrier au bras puissant, est difficile à atteindre sans le Yoga ; le sage qui a le Yoga atteint bientôt le Brahman. » (Bhagavad-Gîtâ)


INTRODUCTION A LA BHAGAVAD-GITA : « [...] Nous, hommes d'aujourd'hui, nous sommes au seuil d'une ère nouvelle de développement qui doit conduire à une synthèse nouvelle et plus vaste. Nous n'avons pas à être des védantistes orthodoxes de l'une des trois écoles, ni des tantriques, ni à nous rattacher à l'une des religions théistes du passé, ni à nous retrancher à l'intérieur des enseignements de la Gîtâ. Ce serait nous limiter et vouloir créer notre vie spirituelle avec l'être, la connaissance et la nature d'autrui, d'hommes du passé, au lieu de construire avec ce que nous sommes et ce qui est latent en nous. Nous n'appartenons pas aux aurores du passé, mais aux midis de l'avenir. Une masse d'éléments nouveaux se déverse en nous ; il nous faut, non seulement assimiler les influences des grandes religions théistes de l'Inde et du monde, ainsi qu'un sens retrouvé de ce que représente le Bouddhisme, mais aussi tenir pleinement compte des révélations puissantes, quoique limitées, de la science et des recherches modernes ; en outre, un passé lointain, immémorial et qui paraissait mort, revient à nous avec tout l'éclat de nombreux secrets lumineux depuis longtemps perdus pour la conscience de l'humanité, et qui maintenant surgissent à nouveau de derrière le voile. Tout cela nous annonce une nouvelle synthèse, très riche et très vaste. Une harmonisation nouvelle et compréhensive de nos acquisitions est, intellectuellement et spirituellement, une nécessité de l'avenir. Et tout comme les synthèses passées ont pris pour point de départ celles qui les ont précédées, la synthèse de l'avenir doit aussi, pour avoir une base solide, procéder de ce qu'ont donné les grandes sommes de pensée et d'expérience spirituelles réalisées dans le passé. Parmi elles, la Gîtâ occupe une place primordiale. [...] » (Shrî Aurobindo)



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