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L'être humain 07/12/2014

Dans cet article, l'auteur poursuit son étude sur les grands principes de l'Etre (voir l'article précédent : la métaphysique du yoga), mais cette fois-ci au sein même de l'être humain.

1 – LES TROIS CORPS

« C'est une éternelle portion de Moi (le Seigneur) qui devient le jiva (le moi empirique) dans le monde des créatures vivantes et qui cultive les pouvoirs subjectifs de Prakriti, le mental et les cinq sens. » (Bhagavad-Gîtâ)

EN LUI : L'être humain contient en Lui-même tous les degrés de la manifestation cosmique. En Lui se retrouvent les différents tattvas  énumérés dans le chapitre précédent.  


LE CORPS CAUSAL : Le corps causal (kârana sharîra) correspond aux Tattvas Purs.  Nous n'en avons qu'une expérience voilée dans le sommeil profond. C'est un état informel et indifférencié, où se résorbent toutes les caractéristiques et potentialités de l'individu. De Lui proviennent les deux autres corps. Seul le yogin peut en goûter sa saveur, faite de Paix et de Béatitude, dans le parfait recueillement du Samâdhi. 


LE CORPS SUBTIL : Le corps subtil (sûksma sharîra) se compose :

  • De l'intellect supérieur (Buddhi ou Mahat) ;

  • De l'ego (ahamkâra) ;

  • Du mental (manas ou citta) ;

  • Des cinq facultés sensorielles de perception (jnânendriya) ;

  • Des cinq énergies vitales majeures (prâna ou vâyu) ;

  • Des cinq pouvoirs d'action (karmendriya).

LE CORPS PHYSIQUE : Le corps physique (sthûla sharîra) se compose des cinq principes élémentaires de la matière (mahâbhûta) qui se combinent pour former :

  • Les cinq organes de sensation : oreille, peau, œil, langue, nez ;

  • Les cinq organes d'action : bouche, sexe, anus, mains, pieds ;                   

  • Les sept ingrédients organiques : le sang, la chair, la graisse, le sperme ou l'ovule, l'os, la moelle, les poils ;

  • Les trois humeurs : le vent (vata), la bile (pitta), le phlegme (kapha).

Le corps physique reste en vie aussi longtemps que l'énergie vitale (prâna) y demeure. A la mort, il se décompose et retourne à la condition générale des principes fondamentaux de la matière.

2 – DOSHAS : LES HUMEURS

Les cinq éléments (la terre, l'eau, l'air, le feu, l'éther) se retrouvent en proportions variées dans tous les organismes. De leurs combinaisons naîtra chez l'être humain trois humeurs que les Indiens nomment doshas :

  • Vata (le vent) est composé d'air et d'éther ;

  • Pitta (la bile) est composé de feu et d'eau ;

  • Kapha (le phlegme) est composé d'eau et de terre.

Ces trois humeurs, bien qu'en circulation constante dans tout le corps humain, vont régir un certain nombre de fonctions spécifiques. 

  • Vata est lié à la respiration, à la circulation et au mouvement ; son siège est dans le colon.

  • Pitta est lié à la digestion, au teint et au métabolisme ; son siège est dans l'intestin grêle.

  • Kapha est lié aux liquides, aux graisses et à la structure ; son siège est dans la poitrine.

3 – PRANA : LE SOUFFLE VITAL

 « Le mental fonctionne par le Prâna. C'est du Prâna que tout procède. » (Chandogya Upanishad)

   

DEFINITION : Le Prâna, désigne à la fois le souffle vital en chaque être humain, mais aussi le Souffle de l'univers. Il est force de Vie, acte créateur et moteur invisible de tout ce qui est. A ce niveau, le Prâna ne peut être dissocié de la Pure Conscience Divine. Il est la Pure Conscience Divine en mouvement, la première de toutes les inspirations et la dernière de toutes les expirations. L'Alpha et l'Oméga de toutes choses. Pour mieux comprendre encore la signification de ce terme, nous pouvons décomposer le mot Prâna en ses deux racines.  Pra signifie : « existant en soi, antérieurement » et ana signifie : « atome ». Aussi le Prâna peut être défini comme : «ce qui existe en soi avant la formation des atomes». C'est la première manifestation  non encore visible de la matière, ou la  somme totale de toutes les énergies non différenciées. C'est un sujet d'étude pour les yogins (comme expérience directe), mais aussi pour la physique quantique (d'un point de vue scientifique). Mais notons bien que cette notion de Souffle de Vie, ou de champ d'énergie, n'est pas seulement l'apanage de la spiritualité indienne ou des scientifiques modernes. Les Chinois la connaissent sous le nom de Chi, les Japonais sous le nom de Ki, les Juifs sous le nom de Ruach et les anciens Grecs sous le nom de Pneuma.

   

KAUSHITAKI UPANISHAD : ...Et Indra poursuivit : «Je suis Prâna, le Souffle de Vie et la Conscience présente au cœur de tous les êtres. Glorifie-moi, car je suis  la Vie et je suis l'Immortalité. La Vie est Souffle, le Souffle est Vie. Tant que le Souffle habite le corps celui-ci demeure en Vie. Le nectar de la Vie est issu de Prâna et l'Intelligence provient de la Conscience. Heureux qui me glorifie comme le Souffle de Vie, car en cette existence il goûte la plénitude et durant la suivante jouit de l'éternité, de l'immortalité. »


« Il nous est enseigné,  dit Pratardana, que chacun de nos sens possède son propre prâna et que ces divers souffles jaillissent de l'unique Prâna. S'il n'en était pas ainsi, comment les yeux pourraient-ils voir, les oreilles entendre et la voix parler ? Tous les prânas des sens s'unissent en Prâna. Aussi est-ce la Vie même qui parle par la voix, voit par les yeux, entend par les oreilles, pense par l'esprit et respire par le souffle. »


« En effet dit Indra,  il en est bien ainsi. Il existe cependant une puissance supérieure à celle des cinq prânas. L'homme peut vivre sans parler. Certains, en effet, ne sont-ils pas muets ? L'homme peut vivre sans voir. Certains, en effet, ne sont-ils pas aveugles ? L'homme peut vivre sans entendre. Certains, en effet, ne sont-ils pas sourds ? L'homme peut vivre sans penser. Certains, en effet, ne sont-ils pas simples d'esprit ? L'homme peut vivre privé de ses membres. Certains, en effet, ne sont-ils pas infirmes ? Mais l'homme ne peut vivre sans respirer. C'est le Prâna qui, seul, sous la forme du Soi conscient, insuffle la Vie à ce corps. Aussi est-ce à Prâna qu'il nous faut adresser nos hymnes de louange. Prâna est l'Essence du Souffle de Vie. Et qu'est-ce que le Souffle de Vie ? C'est la Pure Conscience. Et qu'est-ce que la Conscience Pure ? C'est le Souffle de Vie.»

4 – LES DIX SOUFFLES

Chez l'être humain, le Prâna se divise en dix souffles (vâyu) qui régissent toutes les fonctions vitales. Ces dix souffles circulent à travers les nâdis (réseau interne d'énergie) et se concentrent en des points foyers appelés chakras. Cinq de ces souffles sont principaux. A savoir :


  • Prâna ou « le souffle qui avance » : régit la respiration et se situe dans le chakra du coeur (anâhata chakra).

  • Apâna ou « le souffle qui descend » : régit le rejet et se situe dans le chakra de la base (mulâdhâra chakra).

  • Samâna ou « le souffle qui assimile » : régit la digestion et se situe dans le chakra du nombril (manipura chakra).

  • Vyâna ou « le souffle qui se répand » : régit la circulation et se situe dans le chakra du sexe (svadhisthâna chakra).

  • Udâna ou « le  souffle qui monte» : régit la toux  et la déglutition et se situe dans le chakra de la gorge (vishuddha chakra).  

Les cinq souffles mineurs sont :

  • Nâga : régit l'éructation ; 

  • Kûma : régit le clignement des yeux ;

  • Krikara : régit l'éternuement ; 

  • Devadatta : régit le bâillement ; 

  • Dhananjaya : régit la transformation des aliments.

5 – L'ENERGIE INTERNE

« Dans ce corps se trouve le Mont Méru entouré par sept îles. Là sont sept fleuves, des mers, des montagnes, des champs et des propriétaires des champs.  Il y a des Rishis et des Munis, toutes les étoiles et les planètes, les lieux sacrés et les lieux saints, ainsi que leurs divinités. Ici se meuvent le soleil et la lune qui produisent création et destruction. Il y a l'espace cosmique, l'air, le feu, l'eau et la terre. L'ensemble des éléments qui se trouvent dans les trois mondes sont également dans le corps. Entourant le Mont Méru, ils accomplissent leurs fonctions. Celui qui connaît tout cela est sûrement un vrai yogin. » (Shiva Samhitâ)


NADIS : LES CANAUX INTERNES D'ENERGIE : Les nâdis sont les canaux internes d'énergie par où circule le souffle vital (prâna) dans le corps subtil. Leur nombre est symbolique (72 000 ou 350 000) et indique davantage la profusion que l'exactitude. Quatorze de ces nâdis sont plus importantes et trois se distinguent nettement, comme étant les principaux conduits prâniques du corps humain. C'est sur eux que le hatha-yogin fixe son attention, lorsqu'il vise le réveil et la remontée de kundalini shakti.

  • Sushumnâ est la nâdi principale et se situe à l'intérieur de l'axe cérébro-spinal. Elle part du centre d'énergie le plus bas (mûlâdhâra-chakra) et remonte jusqu'au centre situé entre les deux sourcils (ajnâ-chakra).

  • Idâ est la nâdi lunaire et se situe à gauche de sushumnâ.

  • Pingalâ  est la nâdi solaire et se situe à droite de sushumnâ

Idâ et Pingalâ  partent aussi de mûlâdhâra-chakra et se rejoignent en ajnâ-chakra, en décrivant comme une sorte de serpentin le long de sushumnâ.

CHAKRAS : LES CENTRES D 'ENERGIE : Les chakras (littéralement : roues) sont des centres d'énergie interne et se situent eux aussi le long de l'axe cérébro-spinal. Ils ont un rôle complexe ; autant sur le plan, énergétique, émotionnel, que mental. On en compte six principaux :  

  • Mûlâdhâra-chakra (le centre « support de la base ») se situe derrière les organes génitaux et au-dessus de l'anus. C'est le chakra racine de la nâdi sushumnâ, où repose comme endormie  kundalini shakti. Ce chakra est en relation avec l'élément terre, symbolisé par le carré. Sa couleur est le jaune, son mantra est LAM.

  • Svâdhishthâna-chakra (le centre « fondement de soi-même ») se situe à la hauteur des organes sexuels. Ce chakra est en relation avec l'élément eau, symbolisé par le croissant de lune. Sa couleur est le blanc, son mantra est VAM.

  • Manipûra-chakra (le centre « éclatant comme un joyau ») se situe au niveau du nombril. Ce chakra est en relation avec l'élément feu, symbolisé par le triangle. Sa couleur est le rouge, son mantra est RAM.

  • Anâhata-chakra (le centre « du son spontané ») se situe à la hauteur du cœur. Ce chakra est en relation avec l'élément air, symbolisé par l'hexagone. Sa couleur est le gris, son mantra est YAM.

  • Vishuddha-chakra (le centre « de grande pureté ») se situe au niveau de la gorge. Ce chakra est en relation avec l'élément éther, symbolisé par le cercle. Sa couleur est le blanc doré, son mantra est HAM.

  • Ajnâ-chakra (le centre « du commandement ») se situe entre les deux sourcils. Son nom signifie «autorité» et indique qu'il préside à l'agencement du mental (manas), du sens de l'individuation (ahamkâra) et de l'intellect (buddhi). Sa couleur est le blanc lunaire, son mantra est AUM.


AU-DELA DES CHAKRAS : Au-dessus du sommet de la tête, se situe Sahasrâra (le lotus aux mille pétales), le siège de la Pure Conscience Divine.


« En haut du corps, au-dessus de la tête, se tient le lotus aux mille pétales, brillant comme la lumière du ciel : c'est Lui qui donne la Libération. Son nom secret est Kaïlâsa, le mont où réside Shiva : qui connaît cet endroit secret est délivré du samsâra. » (Shiva-Samhitâ)

6 – LES FACULTES INTELLECTUELLES

Les facultés intellectuelles font parties du corps subtil et correspondent aux tattvas impurs. Le Tantra, le Sâmkhya et le Védanta en donnent une description à peu près similaire.


  •  Buddhi (l'Intellect supérieur) : Buddhi est le principe qui, sans être lié lui-même à une forme particulière d'existence, individualise toute forme. En tant que tattva intermédiaire, Buddhi participe à la fois de la nature supra-individuelle de Purusha (le Soi, la Conscience) et de la nature limitée et conditionnée de Prakriti.  Sous ce second rapport Buddhi qui est aussi appelée Mahat (le Grand Principe), est conçue comme ternaire et est identifiée à la Trimûrti Divine (Brahmâ, Vishnou, Shiva).
  • Ahamkara (l'ego) : Ahamkâra est le principe qui rend toute expérience subjective. Ahamkâra concrétise pour ainsi dire, la détermination initiale de Buddhi et conditionne  l'être pensant, en tant qu'individu limité (jîva). Sous son pouvoir, le sens du « moi » et du « mien » est formulé et le monde est expérimenté en terme de différence.

  • Manas (le mental) : Manas est le principe fondamental des cinq sens qui permet la connaissance perceptive des représentations extérieures et des impressions subjectives de la nature. Associé à Ahamkâra (l'ego), le manas délimite son champ d'expérience, en fonction de son propre intérêt.

7 – MALAS : LES LIMITATIONS

Les trois malas sont les trois limitations qui recouvrent Purusha, le Sujet Connaissant et Lui font perdre sa souveraineté propre. Ces limitations sont la conséquence directe de la contraction de l'Energie indifférenciée, en noms et en formes.

  • Kârmamala est la limitation liée à l'activité. Sous son influence, la Toute- Puissance de la Pure Conscience Divine est comme voilée par les impressions laissées par le plaisir et la douleur. Le Purusha devient un individu limité (jîva), dans la mesure où il s'identifie complètement à ces impressions.

  • Mâyîyamala est la limitation liée à l'ignorance. Sous son influence, l'omniprésence de la Pure Conscience Divine est comme voilée et l'individu est dominé par la notion de distinction, voyant les êtres et les choses,  différents les uns des autres.

  • Anavamala est la limitation liée à la volonté. Sous son influence, la Perfection de la Pure Conscience Divine est comme voilée et l'individu se ressent comme un être limité et incomplet. Cette limitation donne une impression continuelle de manque.


AVIDYA : L'ETAT D'IGNORANCE SPIRITUELLE : L'état d'ignorance spirituelle dans lequel l'humanité entière est plongée en ce moment même, est la cause directe de toutes les misères du monde. C'est un état de « chute » et de servitude, où l'Homme total ou universel se trouve comme dépossédé de son propre Seigneur intérieur. Chassé du Paradis Originel, de cet état d'Union (Yoga) avec Dieu, l'homme à l'esprit divisé vit dans la plus grande confusion. Ignorant son propre Soi, s'identifiant uniquement à son extériorité, le mental toujours encombré par une multitude de références et de projections, l'individu (jîva) se laisse happer par la dualité de la nature matérielle (mayâ : la grande enchanteresse), s'identifie à elle, et expérimente finalement l'angoisse de la dissolution et de la mort. Aussi devient-il un être fini, en conformité avec sa propre croyance. Seul le chemin du retour Lui permettra d'entrevoir la Vérité, et seule la réalisation spirituelle le libérera définitivement de ses multiples conditionnements (culture, société, famille, sexe), et Lui fera retrouver sa véritable identité.




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